Par Aryse Nguema
Après Luc Tchoula (boxe), mediassport s’interesse aujourd’hui à un autre talent des années 80. Il s’agit de Yacoubou Mahama, ancien international du National Azingo (football). Né le 17 mai 1958 à Bitam. Il fait partie de quelques rares joueurs du Gabon profond qui ont atterri en sélection nationale (sans transiter par un club de Libreville ou Port-Gentil) et qui ont vite fait leurs preuves.
Alors sociétaire de l’Union sportive de Bitam (USB), Yacoubou participe au tournoi national avec son équipe à Libreville. Nous sommes en 1979. Au terme de celui-ci, le jeune garçon tape dans l’œil du sélecteur national, Louanga Baratte. Il est retenu pour faire partie de la sélection nationale de football qui doit prendre part aux quatrièmes Jeux Ivoiro-gabonais à Abijan (Cote d’Ivoire) en avril 1980.
Il rejoint l’effectif constitué des cadres de l’époque que sont: Jean Gaston Angoué (le gardien), Bekale, Bourdette, Ouandzie, Bakissi, César Do Marcolino, Tapoyo, Makanga, etc.
Ce dimanche 6 avril 1980 au stade Félix Houphouët-Boigny, le National Azingo affronte les Eléphants de Côte d’Ivoire. Par deux fois les Gabonais avaient déjà battu l’adversaire du 3-1 en 1977 à Abidjan et 2-1 en 1979 à Libreville.
Ne dit-on pas souvent qu’il n’y a jamais deux sans trois ? Mais cette fois, cette règle non établie n’a pas fonctionné. Les joueurs du National Azingo sont malmenés par les locaux. Le tableau d’affichage indique : Côte d’Ivoire 4, Gabon 0.
Les incantations de Cesar Do Marcolino, qui lève les mains au ciel, ne donnent rien. Peu inspiré «Mabudja» (comme on l’appelait à l’époque) est remplacé par Yacoubou Mahama (65e minute). L’objectif de l’entraineur national, Louanga Baratte, est désormais de sauver l’honneur !
«C’est alors que Yacoubou, qui avait remplacé Marcolino quelques instants auparavant, commença à se signaler sur le flanc droit de l’attaque du National Azingo. Très vif, déterminé et appliqué, il changea la physionomie du jeu en quelques minutes (ndlr) et inquiéta la défense ivoirienne qui, jusque-là, avait été absolument tranquille. Allant chercher loin à l’arrière le ballon que ses partenaires ne lui transmettaient pas, le petit ailier de Bitam réussit quelques débordements et des centres remarquables. Et à la 85e minute, il fit montre d’un sang-froid remarquable pour exploiter une bévue de la défense ivoirienne, tirer le ballon et inscrire le but de son équipe», écrivait notre confrère l’Union dans son édition du jeudi 10 avril 1980.
Quarante-trois ans après avoir inscrit ce but exceptionnel qui sauvait la face du Gabon, Yacoubou, que nous avons rencontré récemment à Bitam, a toujours des regrets d’être entré en retard dans cette rencontre.
«J’étais très touché par le résultat 1-4 contre un adversaire qui ne nous était pas supérieur. Je pense que si le coach m’avait donné un peu plus de temps de jeu, le résultat aurait été meilleur pour nous. Après cette défaite, je suis resté enfermé dans ma chambre d’hôtel, alors que mes camarades sont allés tranquillement à la fête», a-t-il déploré.
Joueur au talent exceptionnel, Yacoubou, fer de lance de l’attaque de l’USB, a été pendant deux saisons le meilleur buteur et meilleur joueur du championnat provincial de football du Woleu-Ntem. Il est dans l’effectif des Unionistes qui prennent part au Tournoi national de football à Libreville devant désigner les ambassadeurs du Gabon en Coupe d’Afrique. L’USB avait humilié la grande équipe de l’AS Sogara par 7-1, à l’omnisports président Bongo.
«Ce jour-là, j’avais été au service de mes coéquipiers, en donnant de bons ballon pour scorer. J’ai signé le 7e but, pour mettre un terme à notre festival offensif», se rappelle Yacoubou aujourd’hui comme si c’était hier.
C’est un bel avenir qui se dessinait pour ce joueur, petit par la taille (1,65m pour 60 kg), mais grand par le talent. Cependant, son rêve est brisé lors d’un match de la sélection du Woleu-Ntem (Odzamboga) contre la Ngounié (Mbombet) en Coupe de l’Indépendance. Il est victime d’une double fracture du tibia (pied gauche) à la suite d’un tacle violent d’Iloko, un joueur adverse. De ses blessures, le jeune international ne s’est plus jamais remis totalement. Le traumatisme est resté, nous a-t-il fait comprendre.
Après l’épopée avec l’USB, il s’est essayé avec le FC 105, mais sans plus retrouver son bel élan. C’est dire à quel point cette «agression» sur le terrain a laissé des séquelles.
Yacoubou, après l’essai en queue de poisson au FC 105 (il n’arrivait plus à donner la pleine mesure de son jeu. C’est le retour de l’enfant prodige. Un come-back dans sa ville natale où il y vit toujours aujourd’hui. Un peu oublié par le monde sportif, il est sans ressource. La soixantaine accomplie. Il s’est essayé comme chauffeur de clando, pour joindre les deux bouts.
Malade et affaibli, l’ancien international a, tout récemment, été opéré d’une hernie et se remet petit à petit, quand bien même qu’il a des maux de de tête qui ne le quittent plus.
Il reste que la belle étoile filante n’a pas oublié le onze national. Il a toujours un regard sur tout ce qui se passe autour des Panthères du Gabon. «Beaucoup de joueurs des Panthères n’ont plus l’amour pour le pays, au regard des dernières sorties. Nos internationaux ont la capacité de faire quelque chose, s’ils sont un peu plus collectifs. Tout le monde veut marquer le but. Au finish, ils ratent tout ! Je souhaitent qu’ils se ressaisissent rapidement et qu’on aille à la CAN 2024 en Côte d’Ivoire», a-t-il conclu.